Ou encore je pouvais ranger impeccablement mes
chaussures en prétextant que j’étais quelqu’un d’ordonné : on ne doutait
pas une seconde que je craignais un malheur si mes chaussures étaient mises à
l’envers. A la cuisine la tâche se compliquait déjà. En Turquie je n’avais
jamais pris un couteau des mains de quelqu’un de peur de me fâcher avec la
personne. Mais en France, impossible de refuser une main tendue avec un
couteau. Donc je prétextais une sonnerie imaginaire de téléphone juste au
moment précis où je devais saisir l’instrument qui allait couper notre amitié.
1.
Pourquoi rangeait-elle impeccablement ses
chaussures ?
2.
Que prétextait-elle quand quelqu’un
voulait lui donner un couteau à la cuisine ?
J’avais d’autres astuces. Invitée dans une maison de
campagne où mes hôtes avaient l’habitude de se reposer sous leur magnifique
figuier, je chantais à tue-tête à l’heure de la sieste. Ils me prenaient pour
quelqu’un d’irrespectueux mais en vérité je leur sauvais la vie : chez moi
chacun sait que dormir sous un figuier porte malheur pour sept ans.
3.
Pourquoi ses amis qui l’invitaient dans
leur maison de campagne la prenaient pour quelqu’un d’irrespectueux ?
Un jour où comme d’habitude j’avais passé mon temps à
user de toutes sortes de ruse successives pour empêcher mes amis de passer une
porte avec le pied gauche, de pointer un cimetière du doigt ou encore de se
regarder dans le miroir après minuit, j’ai décidé que ça ne pouvait plus durer.
Si je voulais m’intégrer dans une société cartésienne, il fallait que je
renonce une fois pour toutes à ces superstitions issues d’une époque où la
Turquie n’était pas encore islamisée, mais vivait sous une empreinte
chamanique, c’est-à-dire dans un monde où interfèrent les êtres humains et les
êtres surnaturels. Courageusement, je me suis débarrassée de toutes mes manies
orientales, une par une. Et figurez-vous que j’ai réussi.
4.
Citez trois autres superstitions turques.
5.
Pourquoi veut-elle se débarrasser de ses
superstitions turques ?
6.
De quelle époque viennnent ces
superstitions ?
Mais je me suis rendu compte que petit à petit,
copiant mes amis français, je commençais à faire de drôles de choses. Moi,
dorénavant, je me refuse à passer sous une échelle. Et depuis un certain temps
je me méfie des chats noirs. Pour conjurer le mauvais sort, je ne tape plus sur
du bois trois fois de suite, comme je faisais autrefois. Non, je touche juste
du bois en disant « je touche du bois ».
7.
Quelles sont les superstitions françaises
qu’elle a adoptées ?
A ma grande surprise, ces mêmes amis français qui
s’étonnaient de mes folles traditions orientales, trouvent parfaitement normal
que je donne une pièce à celui qui m’offre un couteau pour ne pas couper notre
amitié ; que je me garde bien d’ouvrir un parapluie dans une maison ;
que je n’oublie jamais de dire merde aux étudiants qui vont passer leur examen
et que je veille à ne surtout pas prononcer les mots corde et lapin dans un
théâtre. Je n’ai probablement pas fini mon apprentissage. C’est qu’un nombre
d’esprits rôdent en France, même si les Français n’en ont pas toujours
conscience. Vous ne trouvez pas ça curieux pour une société si
cartésienne ?
8.
Donnez quatre autres exemples de superstitions
françaises.